Le cinéma vit le jour avec la première projection publique d’images animées par les frères Auguste et Louis Lumière, inventeurs français, amateurs d’art (Paris, 28 décembre 1895). Un an plus tard, la première projection cinématographique a eu lieu en Grèce, mais elle a eu un caractère plutôt restreint et élitiste, car elle s’adressait exclusivement aux scientifiques et aux journalistes. Peut-être, était-ce aussi dû au projet expérimental.
Progressivement, la grande valeur esthétique du cinéma s’est imposée et le cinéma est devenu ce qu’on appelle le septième art. Ce septième art a débuté avec le cinéma muet et les performances magistrales de Charlie Chaplin et Buster Keaton, puis a progressivement évolué, offrant au public les chefs-d’œuvre d’Alfred Hitchcock et de Stanley Kubrick[1]. La principale source d’inspiration du cinéma était la littérature (une forme d’art traditionnelle), avec laquelle s’est développée une relation harmonieuse et interconnectée. Le phénomène de la version cinématographique d’une œuvre littéraire est fréquent, ce qui en révèle et met en valeur de nombreux aspects, grâce au cadrage magique de la musique et de l’image, dans une atmosphère tantôt imposante, tantôt monotone, tantôt dramatique, tantôt légère (selon le contenu de l’œuvre). Bien sûr, l’œuvre elle-même est traitée différemment dans sa première existence authentique et vierge par l’auteur (qui utilise le papier comme principal outil) et dans sa transformation par le metteur en scène (dont l’image est le matériau principal), car les deux contributeurs ont une perspective et une esthétique différentes dans cette double relation. Cependant, l’élément du mythe reste le principal lien dans ce processus-ci.
Le résultat enchanteur issu de cette belle alliance entre littérature et cinéma se caractérise par des aspects innovants, également applicables au domaine de l’éducation. Dans ce domaine-ci, la représentation cinématographique d’une œuvre littéraire et sa projection par l’enseignant aux apprenants rendent l’enseignement de la littérature plus intéressant, car la réception de l’œuvre aboutit à un processus divertissant et attrayant, alliant théorie et pratique.
Dans les milieux littéraires et cinématographiques, l’adaptation d’une œuvre littéraire au cinéma fait souvent l’objet de débats intenses, tant sur les objectifs poursuivis que sur la réussite de l’entreprise[2]. L’objectif premier des contributeurs est plutôt utilitaire: récompenser le transfert cinématographique de l’œuvre littéraire[3]. L’histoire d’une œuvre littéraire acclamée par le public étant déjà connue, les créateurs-cinéastes espèrent que son adaptation bénéficiera de la même reconnaissance par le public. De plus, des modifications significatives apportées au cinéma pourraient potentiellement attirer davantage de spectateurs connaissant le contenu de l’œuvre littéraire originale[4], voire de nouveaux spectateurs découvrant celle-ci pour la première fois. Bien entendu, une adaptation cinématographique peut également comporter des modifications significatives dans la forme de l’œuvre, les personnages et l’intrigue, selon la personnalité du réalisateur, mais aussi les exigences du public[5].
L’adaptation cinématographique concerne l’adaptation d’une œuvre littéraire, d’une bande dessinée ou d’une pièce de théâtre au cinéma. Une règle fondamentale de cette adaptation est de respecter l’histoire originale et de l’adapter aux exigences du cinéma et de son public[6]. Elle vise à de nombreux objectifs: offrir de nouvelles expériences au public, changer (en renouvelant les personnages et les histoires du texte original), apporter une critique sociopolitique et une contribution culturelle[7], et plus particulièrement, promouvoir l’œuvre littéraire. Bien entendu, l’ensemble du projet nécessite une attention particulière au créateur original, afin que l’œuvre originale et la nouvelle ‘’création’’[8] soient mises en valeur.
La littérature et le cinéma sont deux formes d’art qui visent à mettre en valeur la richesse intellectuelle, à façonner le contexte culturel de leur époque et à influencer significativement le public par leurs techniques[9]. Leur collaboration, bidirectionnelle et à double sens, révèle de nombreuses similitudes, mais aussi des différences, structurelles et formelles. Il existe une relation intertextuelle entre la littérature et le cinéma, une relation d’interaction et d’assimilation d’éléments d’une forme d’art à l’autre. Des porteurs de savoir et la narration se déplacent à travers le temps et l’espace, confirmant ainsi leurs interconnexions. Bien entendu, l’objectif principal de ces deux formes d’art reste de susciter chez le public des émotions intenses et une réflexion critique profonde, à travers les personnages et leurs aventures[10], comme un reflet direct de la vie elle-même. Leurs éléments communs sont la narration, la description, le dialogue et la position critique du créateur. La structure narrative adoptée, visant à intégrer le récepteur dans l’histoire et dans le temps (passé-présent-futur), est réalisée par le rôle principal du narrateur[11].
Certaines des différences significatives identifiées entre ces deux arts résident dans la manière dont leurs œuvres sont présentées et créées: la littérature s’appuie sur les mots pour créer des images pour le lecteur, tandis que le cinéma préfère l’image et le son pour l’effet souhaité du spectacle[12]. De plus, la lecture d’une œuvre littéraire offre une liberté au lecteur, puisque celui-ci détermine le rythme de perception de l’œuvre et les éléments qui l’intéressent. À l’inverse, le cinéma enferme le spectateur dans ses propres rythmes narratifs. Sur le plan financier également, le cinéma requiert des capitaux importants, car la réalisation d’un film nécessite la collaboration de nombreuses personnes (scénariste, metteur en scène, acteurs, caméramans, etc.), et constitue un processus qui prend beaucoup de temps.
Il s’agit d’une relation créative et interartistique entre les deux arts[13], où les auteurs, mais aussi les réalisateurs, s’influencent mutuellement. Souvent, l’écrivain perçoit la valeur esthétique de la méthode narrative cinématographique et l’adopte dans ses œuvres, leur conférant ainsi plus de glamour et de charme. L’utilisation de dialogues courts, les changements rapides de scènes, les flash backs insolites dans le passé et le retour au présent narratif (voir le cas de l’écrivain de Thessalonique N. Bakola, qui adopte l’écriture associative), les changements de rythme dans le récit et dans l’intrigue, riches en rebondissements, sont quelques-uns des éléments populaires que l’auteur emprunte à la méthode cinématographique pour rendre ses œuvres plus captivantes.
Cependant, la collaboration harmonieuse entre littérature et cinéma pose également des problèmes importants, car la première s’appuie sur le texte, tandis que le second s’appuie sur l’image. Et le texte peut clairement transmettre tous les sens voulus de l’auteur, car, selon son talent d’écriture, il utilise des adjectives caractéristiques, des comparaisons, des symboles, etc. qui mettent en valeur son œuvre. De l’autre côté, le scénariste et le metteur en scène, s’appuyant principalement sur l’image et les effets sonores, doivent retranscrire au mieux le contenu de l’œuvre littéraire.
Au niveau de la recherche sur la collaboration harmonieuse entre littérature et cinéma, on trouve quelques études utiles concernant le roman et sa version cinématographique (Corrigan, 2007, Hutcheon, 2006 et Rajewsky, 2003). La narrativité constitue le lien entre les deux formes d’art. Le processus de conversion d’œuvres littéraires en films est associé aux termes de ‘’transposition’’, ‘’transformation’’ ou ‘’adaptation’’, ce dernier-ci étant le plus courant. Dans la bibliographie grecque, une introduction à l’examen de la relation entre cinéma et roman se trouve dans l’ouvrage de Kaklamanidou (2006) et dans une anthologie de textes éditée par Moraitis (1990).
Le cinéma est une forme d’art et de divertissement qui, parallèlement, transmet directement des connaissances à son public[14]. Il utilise divers outils, tels que l’enregistrement et la projection d’images animées, accompagnées d’un investissement musical approprié, afin de procurer une expérience complète au spectateur[15].
Bien entendu, outre son caractère divertissant, le cinéma suit l’actualité et aborde des questions socials-clés telles que la diversité, l’égalité des sexes, les injustices sociales, la violence, l’oppression politique et la pollution de l’environnement, dans le but de cultiver l’esprit critique[16] et d’éveiller la conscience publique[17]. Ses films influencent de nombreux domaines: culturel, social, économique (renforçant le tourisme national)[18], technologique et le domaine du divertissement. Le cinéma se révèle ainsi un fervent défenseur de l’art, de la société et de la culture[19].
La littérature, en tant que concept, est assez complexe, car elle constitue un moyen d’expression pour l’auteur lui-même, qui est néanmoins inévitablement influencé – directement ou indirectement – par la société et le climat de son temps, qu’il produit également[20].
En termes de diffusion des connaissances, la transposition d’une œuvre littéraire au cinéma élargit le public, car des connaissances particulières et un niveau d’éducation élevé ne sont généralement pas requis pour visionner un film. De plus, elle contribue à la promotion de valeurs morales telles que la solidarité et l’unité des peuples (par la mise en valeur d’éléments interculturels communs).
Dans le domaine de l’éducation, la transformation cinématographique d’un texte littéraire revêt une valeur particulière. Grâce à la technique particulière du cinéma, la réception de l’œuvre originale se transforme en un processus magique et divertissant, où l’image entreprend un rôle essentiel de diffuseur de sens. Parallèlement, des effets sonores appropriés, des images tridimensionnelles et une musique entraînante transportent le spectateur dans un monde différent, parfois futuriste et certainement plus attrayant que la réalité moderne, dénuée de sens. De plus, l’apprentissage et la connaissance préalables de l’œuvre littéraire par les apprenants facilitent sa réception et les incitent à une approche comparative des avantages de cette transformation-ci. Souvent, les interventions du metteur en scène sur l’œuvre originale la rendent plus intéressante. Ainsi, l’enseignement de la littérature s’enrichit d’un souffle nouveau, incitant les étudiants à l’auto-activité et à la critique personnelle. Parallèlement, le dialogue est également cultivé sur les significations diffuses (sociales, politiques, économiques, culturelles) de l’œuvre, liées à l’actualité. De plus, qu’il s’agisse d’une œuvre littéraire des siècles passés ou d’une œuvre d’origine étrangère, le public a l’occasion de se familiariser avec des époques, des coutumes, des traditions, des habitudes et des mentalités inconnues de peuples, dans un cadre intemporel et de cohésion interculturelle. De plus, à travers la transformation cinématographique, on reconnaît la valeur intemporelle du contenu d’œuvres d’écrivains renommés, comme par exemple le grand écrivain de Skiathos, Alexandros Papadiamantis, qui ose aborder les côtés négatives de la société insulaire conservatrice (de son lieu de naissance) et la bureaucratie tyrannique qui continue de gangrener notre pays jusqu’ aujourd’hui. Ou encore l’introducteur du naturalisme français, Émile Zola, qui, à travers son œuvre subversive Germinal, souligne la profonde inégalité sociale entre les forces populaires et les représentants du capital, indifférents à la sécurité des premières.
Bien entendu, pour la mise en œuvre de ce modèle-ci d’enseignement de la littérature innovant, centré sur l’humain et interactif, une condition préalable nécessaire est la familiarité de l’enseignant et des apprenants, ainsi que la possession d’une infrastructure logistique avancée.
Ainsi, la collaboration harmonieuse entre littérature et cinéma –comme deux formes d’art où l’une nourrit et met en valeur l’autre–, au-delà des difficultés pratiques, offre de nombreux avantages au public. S’appuyant sur le mythe, des écrivains et des artistes attirent l’attention du public sur des questions sociales, politiques, culturelles et éthiques, qui concèrnent l’actualité, incitant le dernier à jouer un rôle critique.
Parallèlement, dans le domaine de l’éducation, l’utilisation d’une oeuvre littéraire dans son interprétation cinématographique consitue un levier essentiel pour renouveler les méthodes d’enseignement traditionnelles et conservatrices. Les apprenants entreprennent désormais un rôle important dans l’enseignement de la littérature, en participant activement et de manière critique, en adoptant une attitude d’extraversion et de collaboration.
[1] Βλ. S. Hayward, Cinema studies: The key concepts, Routledge 2013.
[2] Βλ. N. A. Rahmah & D. T. Iman, Cinematizing the Victorian Novel to Cinema Pride and Prejudice. Vivid: Journal of Language and Literature, 11 (1), 2022. https://doi.org/10.25077/vj.11.1.51-58.2022.
[3] Βλ. D.-A. Muresan, ‘’Book Review. Jane Austen to Screen: Transcoding Sense and Sensibility and Pride and Prejudice’’, Papers in Arts and Humanities, 3 (1), 2023. https://doi.org/10.52885/pah.v3i1.138.
[4] Αυτ.
[5] Βλ. K. Dancyger, & J. Rush, Alternative scriptwriting: Successfully breaking the rules. Taylor & Francis, 2007.
[6] Βλ. L. Hall, ‘’Sue Parrill. Jane Austen on Film and Television: A Critical Study of the Adaptations’’, Jefferson: McFarland & Company, 2002. Women’s Studies, 32 (5), 2003. https://doi.org/10.1080/0049-780391921755.
[7] Βλ. Δ. Κακλαμανίδου, Όταν το Μυθιστόρημα συνάντησε τον Κινηματογράφο, εκδ. «Αιγόκερως», Αθήνα 2006.
[8] Βλ. K. Mokrá, Literary works and their film adaptations – Pride and Prejudice by Jane Austen, 2014.
[9] Βλ. J. V. Nithine, ‘’Literary Adaptations: A Gateway to Linguistic Mastery Through the Alluring World of Film’’, Shanlax International Journal of English, 12 (S1-Dec), 2023. https://doi.org/10.34293/rtdh.v12is1-dec. 62.
[10] Βλ. έργο του A. Tarkovsky, Σμιλεύοντας τον χρόνο, εκδ. «Νεφέλη», Αθήνα 1987.
[11] Βλ. J. V. Nithine, ‘’Literary Adaptations: A Gateway to Linguistic Mastery Through the Alluring World of Film’’, ό.π.
[12] Βλ. έργο της Δ. Κακλαμανίδου, Όταν το Μυθιστόρημα συνάντησε τον Κινηματογράφο, ό.π.
[13] Βλ. έργο του Δ. Αγγελάτου, Λογοτεχνία και Ζωγραφική, εκδ. ‘’Gutenberg’’, Αθήνα 2017.
[14] Βλ. A. Higson, English heritage, English cinema: Costume drama since 1980, Oxford University Press 2003.
[15] Βλ. D. Cartmell, A Companion to Literature, Film and Adaptation, 2012.
[16] Βλ. L. Grieveson, & P. Krämer (Eds.), The Silent Cinema Reader, Routledge 2018.
[17] Βλ. A. Higson, English heritage, English cinema: Costume drama since 1980, ό.π.
[18] Βλ. D. Desser, & G. Jowett (Eds.), ‘’Hollywood and Europe: Economics, Culture, National Identity’’, 1945-95, Bloomsbury Academic 2018.
[19] Βλ. Μελέτη της Ε. Σηφάκη, με τίτλο «Ο κινηματογράφος ως πολιτισμική κατασκευή και ως κοινωνική πρακτική», Θεάτρου Πόλις. Διεπιστημονικό Περιοδικό Για Το Θέατρο Και Τις Τέχνες, 2022. https://doi.org/10.12681/.30787.
[20] Βλ. K. Oatley, ‘’Imagination, inference, intimacy: The psychology of Pride and Prejudice’’, Review of General Psychology, 20 (3), 2016. https://doi.org/10.1037/gpr0000076. Πρβλ. και έργο της Β. Καμπατζά με τίτλο Λογοτεχνία, Εικαστικές Τέχνες, Πολιτισμός· μία αμφίδρομη-διαλεκτική πορεία, εκδ. Μπαρμπουνάκη, Θεσσαλονίκη 2023.